On entend souvent dire que la montée des grandes fortunes est la preuve que notre système économique est brisé, voire carrément injuste. Mais cette lecture oublie un point important : la présence de très riches, paradoxalement, peut aussi être le signe que l’économie tourne rond, qu’elle génère une abondance de biens et de services dont tout le monde profite, même si ce n’est pas au même degré. Autrement dit : mieux vaut vivre dans une société où la richesse est imparfaitement répartie mais où la qualité de vie monte pour tout le monde, que dans une société parfaitement égalitaire… mais pauvre.
Oui, l’écart de richesse s’est creusé au cours des dernières décennies. Mais il faut mettre ce constat en perspective : la qualité de vie a aussi connu une amélioration spectaculaire pour l’ensemble de la population. Prenons un pas de recul. Il y a 100 ans, la majorité des gens n’avaient ni électricité, ni eau courante, ni accès à des soins médicaux modernes. Il y a 50 ans, on voyait déjà des progrès notables, mais les communications, l’accès à l’information et la diversité des produits restaient limités. Aujourd’hui, même des ménages à revenus modestes disposent d’outils qui auraient semblé de la science-fiction il y a quelques décennies : téléphones intelligents, internet, divertissement illimité, médicaments efficaces et voyages abordables.
Le sentiment d’injustice vient souvent moins des faits que de la perception. C’est ce qu’on appelle parfois le « tapis roulant hédonique » : plus on a, plus on s’habitue, et plus on en veut. On se compare sans arrêt aux mieux nantis, en oubliant les progrès phénoménaux qui ont transformé notre quotidien. Des choses qu’on considère aujourd’hui comme acquises étaient autrefois des luxes inimaginables, même pour les plus riches.
Ce qui compte vraiment, au fond, c’est la productivité d’une société. C’est elle qui permet de créer la richesse globale et d’innover. Ceux qui bâtissent de grandes fortunes y arrivent souvent en créant des entreprises, en inventant des produits ou en rendant les processus plus efficaces. Tout ça génère des emplois et des retombées positives pour l’ensemble de l’économie. Dans ce contexte, l’inégalité des richesses ne nuit pas nécessairement aux moins nantis ; elle peut même être le sous-produit d’un système dynamique qui, grâce à l’innovation et à la production, élève le niveau de vie de tous. L’enjeu, ce n’est pas d’éliminer la richesse, mais de s’assurer que chacun ait les moyens et les opportunités d’en créer, et que cette création de valeur profite à l’ensemble de la société.