La réaction de bien des Québécois n’est pas surprenante : interdisons la prière dans les rues. Cet instinct d’interdiction fait partie de notre culture politique : on préfère limiter nos droits et libertés plutôt que d’affronter une réalité qui dérange. Mais posons la question franchement : si c’étaient des chrétiens qui priaient dans la rue, seriez-vous aussi mal à l’aise? Probablement pas. Ce qui dérange ici, ce n’est pas la prière en soi, c’est l’islam — une religion qui n’est pas la nôtre et qui choque certains de nos repères culturels.
Ces gens sont pourtant, dans la majorité des cas, des citoyens canadiens. Ils devraient donc pouvoir exercer leur liberté d’expression, telle que protégée par la Charte des droits et libertés. Si la liberté d’expression vous tient vraiment à coeur, vous avez la responsabilité d’accepter qu’ils puissent prier dans l’espace public. À mon grand désarroi, le Parti conservateur du Québec, soi-disant protecteur de nos droits individuels, a décidé de soutenir l’interdiction.
Si ça vous dérange, la solution n’est pas de vous mettre la tête dans le sable. La solution, c’est d’accepter un certain inconfort et de tranquillement converger vers une réflexion plus large : est-ce dans l’intérêt du Québec d’accueillir des cultures fondamentalement différentes de la nôtre? Nous devons faire face au malaise, en discuter, et voter en conséquence.
Regardez la France. En 2010, elle a interdit le voile intégral dans l’espace public. Plutôt que d’affronter le problème de front, elle l’a balayé sous le tapis. Résultat : aujourd’hui, plus de 10 % de la population française est musulmane. Tôt ou tard, cette minorité atteindra une masse critique et obtiendra un réel poids politique. À ce moment-là, les partis devront composer avec elle pour gagner une élection. Et vous pouvez parier que les lois interdisant des signes religieux vont vite prendre le bord.
Le succès des sociétés occidentales repose en grande partie sur les libertés individuelles dont nous profitons. Restreindre ces libertés, par peur ou inconfort, nous rapproche des régimes dont plusieurs immigrants cherchent justement à s’éloigner. Et si ça arrive, ce sera effectivement eux qui auront gagné.